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Après avoir vécu 18 ans sans attache à un théâtre, nous avons senti peu à peu la nécessité vitale de nous attacher à une ville, à un lieu.

Le théâtre doit reprendre une place dans la vie des gens qui vivent à proximité de ce théâtre : l’appartenance géographique des théâtres, des troupes et des artistes a été gommée avec la professionnalisation du théâtre, ce qui a beaucoup apporté, mais qui a coupé des ponts entre les théâtres et la population des régions dans lesquelles ils sont installés.

Si tant de personnes ne vont jamais au théâtre, ce n’est peut-être pas parce qu’ils n’y sont pas sensibles, mais parce qu’ils n’ont pas le temps d’apprivoiser le protocole qui consiste à aller de chez soi au théâtre.
La contamination de l’événementiel a fait oublier ce qu’est la durée, et a fait disparaître les troupes et la notion de métier.
Si l’acte théâtral ne se pose pas sur un terrain, il ne peut pas être un écosystème et il conduit à un manque d’espérance.

En 2004, accueillis et accompagnés par le théâtre Massalia et Système Friche Théâtre, nous sommes entrés à la Friche la Belle de Mai à Marseille pour tenter l’aventure de la permanence : la constitution d’une troupe permanente, d’un répertoire, et la construction d’une relation régulière avec le public de la région. La création d’une grande troupe en région au moment de la décentralisation et de la construction de la grande Europe des régions : mieux s’enraciner pour se relier au monde, et participer à une vie ensemble.
Un jeune acteur qui arrive dans le métier a besoin d’une formation, d’un statut, mais il a aussi besoin d’aventures exemplaires qui lui donnent espoir qu’il est possible de faire ce métier comme il l’a rêvé.
C’était le commencement d’un voyage dans cette ville, cette région entre terre et mer, entre Europe et Méditerranée, entre grands projets et petites rues de village, où les gens, dont le sang et la mémoire sont dispersés aux quatre coins du monde, vivent côte à côte, sans histoire commune, et doivent inventer un art de vivre entre passé et présent.
La permanence a changé le langage artistique, les relations entre les œuvres et le public.
De 2004 à 2014, pendant ces dix années, nous avons trouvé à la Friche La Belle de Mai un terrain unique pour cette expérience.
Nous avons construit un répertoire de 15 créations.

Maintenant, une page se tourne, mais cette aventure à Marseille continue.
L’art participe à la naissance d’un territoire accueillant pour les personnes et pour les pensées.
Comment appréhender et penser autrement les territoires, les circulations du public, les modes de collaboration avec les artistes, et la façon d’accompagner la naissance et la diffusion des œuvres ?
Un territoire ça se parcourt, ça s’aménage, mais aussi ça se raconte, ça s’imagine, ça se parle, ça se rêve.